dear diary •••
C'est étrange, on m'a offert ce carnet-ci il y a des années, et je viens tout juste de me rappeler qu'il existait. Enfin, j'ai bien du m'en servir puisque les pages qui suivent sont déjà recouvertes, d'âneries, je suppose. Je ne les ai pas relues encore, mes idées farfelues et mes questions existentielles biscornues. J'aime bien ce mot-là, biscornu. Nana dit que je suis tarée à utiliser des mots que je suis la seule capable de comprendre, que ça fait de moi une fille bizarre, qu'on comprend pourquoi, sois-disant, j'ai toujours été la petite fille du fin fond de la classe. Tiens au fait, Nana, c'est ma tante, c'est chez elle que je vis, je vous raconterai ça plus tard, la page est déjà pleine.

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Le fils du voisin, mon camarade de classe, il a un truc spécial vous savez. Je ne sais pas quoi mais il a un truc différent. J'espère qu'il n'est pas un extra-terrestre métamorphosé en humain ou je ne sais pas quoi. Même si il est plus beau que le martien de Drew Barry.. Barry.. Barry quelque chose. D'ailleurs je ne sais plus comment il s'appelle. Le petit garçon hein, pas le martin, je m'en fiche du martien, lui je demanderai à tonton Marty, il doit savoir. Je ne lui ai jamais parlé, au gars de ma classe, et il ne m'a jamais parlé non plus. Il joue avec les autres garçons au foot dans la cours de récréation et c'est marrant parce-qu'à chaque fois il marque pleins de buts, alors que pas les autres. Je regarde toujours comment il joue, quand je suis assise par terre contre le mur du fond de la cour. Et Willow, c'est une plus grande, elle va aller au collège l'année prochaine, elle répète toujours que si je l'observe toujours de loin, c'est parce-que je suis amoureuse. Mais c'est n'importe quoi ! Je suis pas amoureuse de lui moi, j'aime personne.

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J'imagine que ce que vous venez de lire à du vous paraître bizarre, bien que qui que vous soyez vous n'avez normalement pas le droit de feuilleter ce cahier/journal. Je viens moi-même d'en refaire la lecture, de la page précédente, celle où je parle de Ricah. Ca date de l'époque à laquelle j'allais entamer ma toute dernière année d'école primaire, excusez donc la façon maladroite que j'employais. Bon, revenons-en à nos moutons. Je parlais de quoi déjà ? Ah oui, de Nana, c'est ça. Nana c'est la soeur de mon père, c'est chez elle que je vis, et que j'ai un peu près toujours vécu. Elle n'a pas d'enfants, ni de mari, seulement un chien touffu prénommé Moscou. On vit toutes les deux dans une petite maison ici, à Ridgefield. Nana, elle représente autant ma mère de substitution que ma super copine. Mais je vous vois déjà arrivés avec vos questions, nan mes parents ne sont pas morts, ils sont toujours bien vivants, mais apparemment trop chargés pour se donner la peine de m'écrire, de m'appeler.. de garder le moindre contact avec moi en fait. Le plus fort dans tout ça, c'est qu'ils m'ont voulue, qu'ils m'ont attendue assez impatiemment, et une fois que j'eus fêté mes six ans, ils n'ont pas eu d'autres idées que me faire prendre un vol, aller seulement, de New-York au Connecticut. Au début ils m'envoyaient des cartes, des lettres, me téléphonaient parfois, et puis un beau jour, plus rien. Enfin bref.. du coup je suis là, avec Nana. Elle est pas toute jeune mais elle est souvent bien pire que moi. Je fume, je bois comme un trou, je fais la fête pour quinze et je couche souvent avec n'importe qui, et elle est pareil, puissance dix. Et je l'aime pour ça, d'ailleurs, pour sa folie.

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Venons-en à Ricah aujourd'hui, on est mercredi, ça porte un r, dans Ricah il y en a aussi, parfait donc. Je ne connais son nom que depuis que nous sommes arrivés au collège, fort pour quelqu'un qui est dans ma classe depuis l'école primaire, je vous l'accorde. Entre nous deux c'est.. bizarre. On ne se parle jamais et pourtant on a toujours les yeux posés l'un sur l'autre. On se fixe à longueur de temps. L'autre fois on s'est retrouvé nez-à-nez dans la rue, aucun de nous deux n'a ouvert la bouche pour s'excuser, on a simplement noué nos regards. C'est intense comme genre de situation. Un peu comme de l'attirance, sauf que j'ai l'impression, que si jamais l'un de nous craque, et se laisse entraîner, ça va nous mener à un mur de problèmes infranchissable.

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