D'UNE ELEGANCE RARE ET PLUS FORTE QUE L'EBENE...
année 2oo4, Ridgefield High schoolLa cloche retentissait depuis tentre-trois secondes. Un record dans l'histoire du lycée, pensait-elle. Acrouppi dans une cabine des toilettes, celle qui ne sentait pas trop mauvais, Odessa inscrivait des mots sans queue ni tête sur son agenda. Aux pages réservées par les vacances, en général.
La jeune fille attendait. Que le temps passe, qu'elle puisse quitter cet endroit, ou encore, elle attendait le dernier moment avant de voir la figure de ses camarades. A vrai dire, la plupart d'entre eux n'étaient pas méchants. Simplement indifférent, ancrés dans leurs études ou passionnés par certaines découvertes anatomiques. Par malheur, Odessa ne ressentait pas tout à fait les même
besoins. L'école ne représentait qu'une mauvaise étape obligatoire pour elle, et le contact avec autrui lui semblait tout aussi contraignant.
Et puis, il y avait Barbara. Une magnifique adolescente dont les cheveux auraient fait mourir de jalousie n'importe quelle actrice de cinéma. Barbara était assez populaire, mais trop. Une incarnation de la perfection, autrement dit. Souriante, elle était aussi la tête de file du groupe de littérature. Ce qui ne l'empêchait pas de sympathiser avec les cheerleaders. Dés leur rencontre, en première année, Odessa avait voué une admiration sans égal pour sa camarade.
Seulement, tout ceci était loin d'être réciproque. La faute à personne, la vie est ainsi faite. Barbara n'avait aucun atome crochu avec la petite Odessa, un peu timide, flottant dans un sweat-shirt et avec les cheveux en pagaille. Ce rejet fut une meurtrissure à la hauteur de l'admiration qu'elle avait nourri jusque là.
Barbara n'est pas méchante, Barbara n'est pas méchante, Barbara n'est pas méchante, ne cessait de se répéter Odessa. Pourtant, elle avait calculé leur numéro, analysé leur correspondance astrologique et tout était censé coller ! La douleur n'en fut que plus forte. L'idole n'adressait jamais un regard, ni même un sourire à sa plus grande admiratrice. L'idole riait parfois de ce look un peu, comment dire, ringard de cette gamine qui passait son temps libre à l'espionner. Enfin, l'idole fini par lancer ses chiens de garde, ses plus fidèles amies, à la trousse de la petite brune cachée derrière une pile de bouquins. Elles n'étaient pas cruelles mais s'amusaient de la détresse qui éclaircissait les yeux d'Odessa.
«
Ecoute, truc, laisse Barbara tranquille et arrête de la suivre aux chiottes, c'est carrément flippant! » lança une brune dont la taille de ses jambes n'en finissait plus
«
Ouais, grandis un peu, trouve toi une autre icône! Fais comme les autres, imite Monroe plutot !» rencherissais l'autre. Ce qui provoqua un fou-rire général et un tas de remarques dont le sens échappait à Odessa, honteuse. Cette dernière béguélliat un
d'accord qui ne trouva aucune oreille attentive alors que les jeunes filles se retiraient déjà.
Après ce petit incident, somme toute pas vraiment violent, Odessa ne sorti plus jamais des w.c du premier étage pendant les espaces de récréation. La honte qu'elle ressentait avait atteint son paroxysme, au point d'en devenir douloureux. Des maux de ventre et de tête la clouait au dessus de la cuvette, quand elle n'était pas prise d'une soudaine absence, absorbée par un songe très envoûtant. Parfois, elle s'imaginait dans une autre vie. Comme la plupart des jeunes filles de son âge, Odessa se voyait sous les traits d'une femme rayonnante qui gouverne un royaume féérique.
Aucun homme, aucune autre figure humaine ne règnait à ses côtés. D'ailleurs, il n'y avait que la nature à gouverne, calme et docile.
La solitude devint sa meilleure amie et tous ses maux s'envolèrent.
sept ans plus tard - 2o11 - Citation :
Mademoiselle Mildton,
Félicitations, votre candidature a été retenue pour le poste de conseillière chez Bleu Ciel, votre service téléphonique préféré!
Un entretien aura lieu le 17 mai à 15h30 dans le bâtiment principal de l'agence.
Veuillez vous munir d'une pièce d'identité [...]
La jeune femme ne prit pas le temps de finir sa lecture et interpreta une danse aux influences diverses pour symboliser sa bonne humeur. Leva les bras au ciel, sa chorégraphie se termina en beauté lorsqu'elle se cogna le petit orteil dans le pied de son bureau, ce qui l'obliga à s'asseoir sur son lit et se mettre la lèvre inférieure très fort.
Avec un gémissement de douleur, Odessa relu sa lettre et poussa un cri, entre la joie et la souffrance.
Fini, les horaires moisies et les bonnes femmes jamais satisfaites du magasin de vêtements dans lequel elle travaillait jusque là. Enfin, il restait l'entretien à passer, mais ça, elle n'y pensait pas vraiment.
«
Maman ! Maman ! Ils ont acceptés ma candidature !» cria-t-elle alors qu'elle dévalait les escaliers de la maison.
Sa mère, un peu blasée par les cris hystériques de chacun de ses enfants, releva la tête avec une esquisse de sourire. Odessa secoua la feuille sous son nez, effectua une pirouette et manqua de renverser le café sur le tapis tout neuf acheté la veille.
Toutes ses angoisses s'étaient envolées. Sans compter ses efforts enfin récompensés ! Elle était loin derrière elle, la petite fille isolée, incapable et pleurnicharde ! A force de travail, la brunette avait enfin réussi à décrocher son premier travail à temps plein. Ou presque.
«
Odie, tu ne m'a toujours pas dis si tu irais à la soirée organisée en l'honneur des anciens élèves de Ridgefield High school. » lança sa mère d'une voix douce.
La jeune femme se stoppa net dans l'expression de sa joie tandis que son visage se figea subitement. Comme si les souvenirs de cette époque étaient sur le point de s'effacer au moment ou, sans prévenir, quelqu'un avait annuler la procédure. Après un long silence, Odessa s'assit sur une des grandes chaises qui se trouvaient en face de la table. D'un gest mécanique, elle prit un bol et le remplit de céréales, mélangeant le tout avec un lait tiède.
«
J'irai. Au moins pour jeter un coup d'oeil.» conclu la brunette, d'un ton résolu. Après toute ses années passées dans la petite ville, Odessa avait rarement eut l'occasion de revoir ses anciens camarades. Le temps avait adouçi sa mémoire et une curiosité toute fraîche la pousserai à revoir tout ces gens.